A Floating House of Dreams/ Une Maison de rêve(s) flottante

The house is made of approximately 15,000 pages of handwritten stream-of-conscious by Montreal author, Réjane Bougé – the result of a thirty-year-old, daily, writing practice inspired by her previous night’s dreams.  Réjane was looking to give her collection to an artist working with paper. An initial attempt with Louise Viger ended abruptly with Louise’s death due to cancer. Manon Tourigny of Centre Clark brought us together. Réjane and I began meeting monthly in the summer of 2019. The idea to make the house came to me as a result of our meetings.

When Réjane initially proposed giving me her writing, I didn’t know what I could do with so much paper, but not wanting to refuse, I suggested we work together to find an idea. We soon realized we had several unusual things in common. I too had many years of dreams noted in journals since I was a teenager. We both lost a parent in our early childhood, me – a mother at six, her – a father at 9. We were both daughters of amputee fathers. Réjane’s father lost his leg as a result of diabetes, my father lost his leg in a farm accident. We are both fascinated by words and writing in the other’s language! With that odd collection of commonalities, we decided to meet once a month and that I would read my dreams out loud to her and we would record them. We began with 1989. I translated them into French as I read  and we often stumbled over words we did not know or recognize: claw, éclore, moignon, stump, casualties, to name a few.

My dreams seem to be either muddled and messy or surprising and illuminating. Réjane edited our thirty years of dreams, choosing one from each year, from each of us. Birds were a common theme in my dreams and meetings with her psychoanalyst were a common thread she has chosen to highlight. It was one of my dreams pre-1989 that inspired me to use a red thread- the only element holding the house of dreams together. Two red threads run through each sheet of paper from floor to ceiling. Réjane told me that le fil rouge (red thread) is an expression in French meaning the main theme or idea running through a text. In the dream, my Grandmother gives me a ball of red yarn for Christmas and tells me that I must use it to wrap my brothers’ gifts. I wake up unhappy with her request, but it has since been food for much thought.

My usual way of making is by trial and error, slowly working out my ideas through materials and process. In the end, this project required much planning, measuring and counting, in other words a lot of math. None of which is my strength. I knew I wanted the house to appear to float dream-like in space. The interesting challenge has been to get all those sheets of paper to hang from the ceiling.

The house project is almost completed and ready for exhibition. What remains to solve is the lighting and the de-installing and wrapping for transportation and and storage. Lighting specialist, Jon Cleveland will be contributing to creating the right mood. Our project has not escaped the disruption the corona virus pandemic has meant for many people’s lives and projects. La maison de rêves  was originally scheduled for exhibition in January 2021 at La Maison de culture Plateau-Mont-Royal. It will now be going up the end of August and showing until the beginning of October.

Une maison de rêve(s) flottante

Cette maison de papier flottante est constituée d’environ 15 000 pages manuscrites que l’écrivaine, Réjane Bougé, rédige depuis plus de trente ans, une écriture constituée de libres associations ( stream of consciouness ) déroulées à partir de ses rêves. Cet exercice, elle s’y livre le plus quotidiennement possible, de manière à pouvoir affronter la page blanche et se brancher sur ses émotions. Cela faisait un moment déjà que Réjane désirait mettre ce matériau entre les mains d’une artiste visuelle qui le déploierait en trois dimensions, en se métamorphosant ainsi sur un autre plan, cela lui donne l’impression que le temps passé à écrire ces rêves ne l’a pas été en vain. Une collaboration d’abord établie avec Louise Viger n’a pu se concrétiser, la sculpteure ayant été emportée par un cancer pendant le processus d’idéation. Il revient à Manon Tourigny, directrice du Centre Clark, d’avoir pensé à nous jumeler, Réjane et moi, le papier étant un des matériaux privilégiés dans mon œuvre. Lorsque Réjane m’a offert ses feuilles, je n’ai d’abord pas su quoi en faire, il y en avait tellement ! Nos rencontres, qui ont débuté à l’été 2019, se sont échelonnées à la fréquence d’une rencontre par mois alors que, peu à peu, au fil de ce temps passé ensemble, l’idée de construire cette maison s’est imposée à moi.

Rapidement, Réjane et moi, nous avons découvert que nous avions beaucoup d’éléments en commun. Manon Tourigny ignorait, en nous jumelant, que j’écrivais mes rêves moi aussi de mon côté, et ce, depuis mon adolescence dans des journaux intimes, me limitant à mes rêves les plus marquants. Qui plus est, Réjane et moi nous avons toutes deux perdu un parent en bas âge, moi ma mère à six ans et Réjane son père à neuf ans. Par ailleurs, nos deux pères ont été amputés d’une jambe, mon père ayant perdu la sienne dans un accident survenu à la ferme familiale et celui de Réjane à la suite à de complications diabétiques. Le plus important demeure cependant que, toutes deux, nous sommes amoureuses des mots peu importe la langue dans laquelle on les déniche. Avec tous ces points communs comme bagage, nous avons décidé qu’à chaque rencontre, je lirais à Réjane quelques rêves repêchés dans mes journaux intimes, rêves que je lui traduisais tout en les enregistrant. Le parcours a débuté en 1989 puisque c’est pendant cette année-là que Réjane a commencé à écrire ses cahiers de rêves. Ces discussions qui nous faisaient passer d’une langue à l’autre nous permettaient tout à la fois de nous connaître et d’élargir notre vocabulaire, en anglais pour Réjane, et, en français, pour moi. Stump/moignon, éclore/hatch, claw/griffe, casualties/morts, pour ne nommer que ceux-là, les exemples de nos découvertes seraient nombreux !

Au bout de ce parcours, Réjane a choisi pour chacune de nous un rêve pour chaque année s’étalant sur trente années de rêves. Parfois touffus et emmêlés, mes rêves sont, à d’autres moments, lumineux et plein de surprises. Les oiseaux représentent une thématique récurrente chez moi alors que Réjane a choisi, de son côté, des rêves mettant en scène son psychanalyste auprès de qui elle a découvert la richesse de l’univers onirique, le tout pour profiler dans cet ensemble un fil narratif.

Quant au fil rouge qui entrelace toutes ces pages suspendues du plafond au plancher, il m’est venu d’un rêve marquant que j’ai fait bien avant 1989. Dans ce rêve, ma grand-mère me donnait une pelote de fil rouge en me demandant de m’en servir pour envelopper les cadeaux de Noël de mes trois frères. Tout en me réveillant mécontente de devoir accomplir cette tâche, jamais je n’ai cessé de penser à cette demande qui m’habite encore. J’ignorais, comme Réjane me l’appris par la suite, que l’expression « fil rouge » signifie, dans la langue française, suivre une idée maîtresse dans un texte !

Mon travail s’élabore toujours à partir d’essais et d’erreurs; c’est en triturant patiemment la matière que je dégage les pistes de mes œuvres. Plus que dans d’autres réalisations, ce travail a exigé beaucoup de planification, de mesures, de calculs, en d’autres termes beaucoup de solutions mathématiques, ce qui n’a jamais été ma force! Si je savais que cette maison serait flottante dans l’espace, ce fut tout un challenge pour moi de suspendre toutes ces feuilles à partir du plafond!

Le projet est aujourd’hui presque entièrement terminé et prêt à être exposé. Des questions d’éclairage doivent au préalable être réglées de concert avec Jon Cleveland avec qui je collaborerai pour créer la bonne ambiance. Je dois également solutionner des problèmes de transport et de storage. Ce projet, comme bien d’autres, n’a pas échappé aux interruptions provoquées par la pandémie de Coronavirus. D’abord planifié pour janvier 2021, il sera présenté à la Maison de la culture du Plateau Mont-Royal de la fin août au début d’octobre.

Traduction de l’anglais : Réjane Bougé